СLE TEMPS PASCAL

La saison liturgique appelée  » temps pascal  » commence le samedi-saint et s’achève la veille de la Pentecôte. Il y a quarante jours entre le dimanche de Pâques et le jeudi de l’Ascension, cinquante jours entre Pâques et le dimanche de la Pentecôte et six dimanches dans cette période de cinquante jours [10], le dimanche de Pâques non compris.

Le temps pascal présente plusieurs particularités rituelles. La principale est que chaque liturgie commence et s’achève par le chant du tropaire de la Résurrection :  » Christ est ressuscité des morts… « . Pendant la semaine qui suit Pâques, les portes de l’iconostase demeurent constamment ouvertes : ainsi est symbolisé ce libre accès au Saint des Saints que Jésus-Christ, notre grand-prêtre, nous a ouvert par son sang. L’épitaphion reste posé sur l’autel, de sorte que les liturgies sont célébrées sur l’image de la  » tombe vivifiante  » du Sauveur. On ne doit ni jeûner ni se prosterner pendant la semaine de Pâques. Le vendredi de cette semaine est spécialement dédié à la Sainte Vierge sous le vocable de la  » fontaine de la Mère de Dieu « , allusion à une tradition de Constantinople [11].

La semaine de Pâques porte en grec un très beau nom : la  » semaine du renouvellement [12] « . Ce nom convient à tout le temps pascal. Jésus a voulu mourir et ressusciter au seuil du printemps. De même que Noël coïncide avec la victoire de la lumière du soleil sur les ténèbres, avec le début de la croissance des jours, Pâques coïncide avec le renouveau de la nature, avec l’apparition de la verdure et des fleurs. L’univers est un symbole des réalité spirituelles. Le printemps nous parle – si nous savons interpréter le création de Dieu – de renouvellement intérieur. Il y a un printemps de l’âme. Pâques, comme le printemps de la nature, nous apporte un message d’espérance. La Résurrection de Jésus nous dit que nous pouvons  » être changés « . Il nous faut sentir la  » verte nouveauté  » du temps pascal, à laquelle s’appliquent si bien certaines paroles des saintes Écriture :

 » Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes… Car notre Pâque, le Christ, a été immolée. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain… mais avec des azymes de pureté et de vérité  » (1 Co 5, 7-8).

 » Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une créature nouvelle ; l’être ancien a disparu, un être nouveau est là  » (2 Co 5, 17).

 » … Afin que, comme le Christ est ressuscité des morts… nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle (Ro 6, 4)… de manière à servir dans la nouveauté de l’esprit et non plus dans la vétusté de la lettre  » (Ro 7, 6).

 » Comme des enfants nouveau-nés désirez le vrai lait spirituel, afin de croître pour le salut (1 P 2, 2) « .

[10] Le terme  » temps pascal  » est assez élastique. Au cours de l’histoire, la durée de ce temps a été parfois abrégée, parfois allongée. Un fondement canonique de la conception d’un temps pascal qui s’étendrait de Pâques à la Pentecôte est que l’usage du poisson est permis tous les mercredis et vendredis de cette période. En général, non seulement la viande, mais le laitage, les œufs, l’huile, le poisson sont proscrits le mercredi et le vendredi ; d’ailleurs la pratique, sauf dans les monastères, ne suit que de loin la théorie. Pendant la semaine même de Pâques, on peut manger de la viande, même le vendredi. Un temps pascal de cinquante jours correspond donc à certaines prescriptions canoniques, ainsi qu’à l’idée d’une cinquantaine de jours s’achevant à la Pentecôte (le grec Pentekoste signifie d’ailleurs  » cinquantième jour « ). Néanmoins on serait théologiquement et historiquement fondé à distinguer, dans la cinquantaine qui suit Pâques, deux périodes très distinctes : le temps pascal proprement dit, qui s’achève le jour de l’Ascension ; et le temps de l’Ascension, qui va du jour de l’Ascension à la veille de la Pentecôte.

[11] Vers le milieu du Ve siècle, l’empereur Léon le Thrace avait construit, dans un faubourg de Constantinople nommé les Sept Tours et près d’une source où s’opéraient de nombreuses guérisons attribuées à la Mère de Dieu, une riche église dédiée à celle-ci. L’église fut plus tard détruite. Les Turcs élevèrent sur ses ruines a mosquée du Sultan Bayazid. La crypte de l’église et la source subsistèrent cependant. En 1821, les restes de l’église furent totalement démolis. La source elle-même s’ensabla et en quelque sorte disparut. En 1833, le Sultan autorisa la construction d’une nouvelle église, de dimensions considérables, près de l’emplacement de la première.

[12] Les Russes nomment la semaine pascale  » semaine lumineuse « .

Extrait du livre L’An de grâce du Seigneur,
signé « Un moine de l’Église d’Orient »,
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.