Le Château et l’église russe de Montgeron
Le Château du Moulin de Senlis est situé à 25 kilomètres au sud-est de Paris, dans la petite commune de Montgeron du département de l’Essonne. L’histoire du château commence au XIème siècle, pendant le règne d’Henri Ier.
Henri Ier s’est marié avec Anne, la fille d’Iaroslav le Sage (1019 -1054), un grand-prince de Kiev. En France, Anne est connue sous le nom d’Anne de Kiev, en russe АннаЯрославна (Anna Iaroslavna). Elle charmait ses contemporains par sa beauté et son intelligence.
Anne de Kiev parlait le russe, le grec et le latin. En plus, pendant son long voyage, elle a appris le français et pu signer le contrat de mariage en deux langues , alors que son mari a mis une croix , il semblerait qu’il ne savait pas écrire.
Anne a apporté en France un Evangile slave et tous les rois de France, avant la révolution, prêtaient serment sur cet Evangile lors de leur sacre à Reims, écrit dans une langue mystérieuse.
Pierres précieuses, reliques et fragment de la Vraie Croix disparurent sans doute de la couverture du livre durant la Révolution française . La Bibliothèque nationale de France garde quelques pages de cet Evangile du XIième siècle sous le nom de « L’Evangile de Reims »
Reine de France de 1051 à 1060, après son couronnement, Anne s’installa au Château de Senlis. Elle aimait ce lieu, entouré de belles forêts, car il lui rappelait sa région natale.
Anne fit construire à Senlis une église, puis un ensemble abbatial, l’abbaye Saint-Vincent.
Cette abbaye possédait des propriétés dans différentes régions de France, y compris à Montgeron.
Au XVe siècle, sur le territoire du Château de Senlis, fut construit un moulin. De Château de Senlis, le Château devint Château du Moulin de Senlis. Pendant des siècles le lien entre les russes et ce château fut interrompu.
En 1953, une autre femme russe, Sophie Michaïlovna Zernov, achète le terrain du Moulin de Senlis pour y transférer un orphelinat russe. Presque 100 orphelins et enfants de familles d’immigrés en difficulté furent abrités ici. En 1957, une église a été construite ici pour les enfants de l’orphelinat.
L’iconostase de l’église a été réalisée par le peintre d’icônes, émigré russe vivant à Paris, Grégoire Kroug (1908 -1969).
« Près de Paris, dans les Yvelines vécut un ermite, le moine orthodoxe Grégoire Kroug. Il peignait des icônes qui étaient sa prière ».
Sa vie était une vie monastique stricte et simple: le jeûne et la non-possession. Il a vécu presque dans la pauvreté, dans le petit monastère du Saint Esprit près de Paris, où il est enterré. Il a laissé derrière lui une grand nombre de peintures. Gregoire Kroug atteint un équilibre délicat entre la tradition authentique et l’inspiration créatrice, ce qui lui a permis de dépasser l’artisanat.
Son activité principale était la peinture à fresque; l’une de ses fresques se trouve dans notre église. Il a peint beaucoup d’icônes pour des iconostases d’églises en France, en Hollande et en Angleterre.
Et à ce jour, l’iconostase de notre église attire l’attention de ses paroissiens par son extraordinaire profondeur et ses couleurs lumineuses.
Depuis les temps anciens, le processus de la peinture d’icône est appelé « poser la lumière ». Les icônes de Grégoire Kroug son lumineuses car la matière avec laquelle il travaille n’est pas seulement le bois et la couleur mais d’abord la lumière comme le symbole de la gloire de Dieu.
Bien sûr, le monde que nous montre l’icône est radicalement différent de celui dans lequel nous vivons. Notre perception du monde « normal » est egocentrique, nous permet de voir les objets qui nous entourent en fonction de la distance physique qui nous en sépare. Par exemple, à côté d’une grande maison, nous nous sentons écrasés par sa taille; mais si nous nous éloignons, cette maison deviendra pour nous un grain de poussière à l’horizon.
Par conséquent, nous avons l’habitude de voir les choses anodines qui nous entourent comme des choses importantes, alors que les étoiles immenses ainsi que les galaxies lointaines sont pour nous comme de petites étincelles.
Pour cela, l’icône restaure la véritable vision du monde, montrant l’immensité de Dieu lui-même.
L’ icône du Sauveur qui est présentée ici, a été écrite pour les orphelins russes. Plongés dans la dévastation, la pauvreté et l’immense injustice, ces enfants ont perdu leurs parents, ceux qui leur enseignent l’amour inconditionnel et la bonté.
Les icônes, et en particulier l’icône du Sauveur, enseigne aux enfants le chemin de l’amour du Christ. Jésus-Christ sur cette icône dégage une lumière merveilleuse, chaleureuse et joyeuse. Il ne juge pas, ne repousse pas. Au contraire, il est prêt à nous embrasser. Sa présence est si proche que nous pouvons blottir contre son épaule.
Cette icône est simple, solennelle et pleine de « célestes vertus »: auréole autour de la tête du Sauveur, où nous lisons les lettres grecques pour le nom sacré de Dieu – «Jéhovah» -en grec: « Je suis »; bande sur la tunique, symbolisant l’autorité donnée par Dieu le Père a son Fils unique; et même la couleur des vêtements : vêtements de dessus – couleur céleste- bleu divin, vêtement de dessous est de la couleur de la terre, des tons camaïeux.
La main droite du Sauveur donne la bénédiction, et Sa main gauche tient L’Evangile fermé . Nous ne pouvons que deviner pourquoi le peintre a laissé l’Evangile fermé sur cette icône. Peut-être parce que le plus part des petits enfants ne savaient pas lire, ou peut-être parce que pour eux, il était plus important d’être rassuré par son amour que de lire Son enseignement.
L’icône de la Mère de Dieu apporte aux orphelins l’amour maternel et peut-être les réponses aux questions sur le sens de la vie, sur la cause et l’importance de la création du monde, sur sa rédemption et la vie éternelle. Chaque ligne, chaque couleur est saturée et profonde. Sur cette icône, père Grégoire montre l’unité de la Mère de Dieu et de Son divin Fils, mais leur unité n’est pas fermée aux autres, mais ouverte à tous. Elle nous regarde aussi, doucement, nous invitant à entrer dans le mystère de l’Église du Christ.
Actuellement le Château du Moulin de Senlis est un centre d’aide pour les émigrés de Russie et d’autres pays.
L’église est ouverte et fonctionne pour les orthodoxes qui habitent dans la région. Chaque semaine, samedi soir et dimanche matin il y a des offices religieux. Les paroissiens ont la possibilité de se réunir et de célébrer ensemble les fêtes et les jours sacrés. Les traditions et les coutumes nationales sont transmises aux nouvelles générations. La population locale a la chance de connaître une autre culture et une autre tradition nationale.
Bienvenue à ce lieu spirituel et cultuel !